lundi 21 octobre 2013

Apprentis sorciers


"Recherchez la liberté et vous deviendrez esclave de vos désirs. 
Recherchez la discipline et vous trouverez la liberté" 
Koan Zen



Je trouve cette citation particulièrement intéressante, non pas que j'ai atteint moi même la discipline qui permette d'accéder à la liberté, mais je pense qu'il suffirait simplement d'arpenter ce chemin pour changer bien des choses. 

Nous vivons dans une société où l'on crée des besoins à la chaîne et où l'on conditionne les gens a un idéal illusoire construit autour d'un concept de la liberté vidé de son sens. Cette idée de la liberté comprise aujourd’hui par nos contemporains, n'est en fait qu'un comportement individualiste consumériste visant à faire fonctionner le système capitaliste, système inadapté à l'humain, ni à la planète. 
De nos jours, des hommes esclaves des intérêts privés de leurs maîtres, eux mêmes esclaves de leur cupidité, font la guerre pour "libérer" des peuples considérés comme esclaves d'un dictateur, d'une religion ou d'une idéologie différente. Cette "libération" génère un chaos, condition sinequa none pour remodeler à sa guise la volonté des groupes humains.  
La stratégie du choc comme l'appelle la journaliste canadienne Naomi Klein. 
La nouvelle idéologie inoculée sera dès lors compatible avec l'économie de marché, les multinationales s'accapareront des richesses du pays et toute souveraineté sera assimilée à une attitude réactionnaire et raciste. Le vide existentiel étant nécessaire pour pousser l'homme à le combler par la consommation, toute notion de spiritualité sera marginalisée en mettant en avant l’extrémisme de minorités religieuses, parfois construit de toute pièce. 

L'argent, le confort matériel, le paraître, le sexe, la satisfaction immédiate de besoins que l'on finit par croire qu'ils viennent de nous, tels seront les seuls idéaux matérialistes à atteindre. L'uniformisation du monde par l'idéologie capitaliste tend à imposer ce concept de "liberté" : une soumission aux instincts les plus bas qui est le parfait opposé de ce que la Tradition entendait par le terme de "Liberté", à savoir une libération de l'emprise de ses instincts par une meilleur compréhension et un contrôle, permettant une transcendance et une sublimation. Bien sûr, cela ne signifie pas suppression pour autant, au contraire ce désir doit être nourri, attisé, c'est le moteur de notre vie. 

Le monde contemporain et ses multiples tentations créés la confusion. 
Par exemple, les parents confondent parfois "besoins" et "désirs créés de toute pièce par la société de consommation". Les parents se doivent de répondre aux besoins de l'enfant, lui donner à manger, à boire, le protéger. Le chemin vers le désir doit être arpenter par l'enfant lui même, il doit entrer en interaction avec son environnement pour le réaliser, il doit apprendre la frustration qui l’amènera à transcender ce désir, lui faire comprendre ce que cache cette attirance. Un enfant dont le désir est assouvit par un intermédiaire extérieur, trouvera tout de suite un nouvel objet à désiré. Par la suite, l'enfant devenu adulte risque de tomber dans un comportement égocentrique et une forme de boulimie (de nourriture, d'affection et plus globalement de tous substituts addictifs) après avoir intégré très tôt l'idée que tout désir doit aboutir à une satisfaction immédiate. À l'inverse, le désir comblé peut aboutir à un comportement dépressif, le feu intérieur n'étant plus attisé. La personne pensera que le désir est accessible uniquement par l'intermédiaire d'autrui et que son action propre n'a aucun effet. Dès lors, la dépendance à l'autre opérera, il n'aura pas les armes nécessaires pour nourrir le feu intérieur qui dort sous les braises. 

Il est facile de comprendre que la société de consommation se satisfait pleinement de ce genre de citoyens, le vide existentiel est bien creusé chez ce type de personnes et le système leur apportera toutes sortes de produits (antidépresseurs, TV, jeux vidéos...) pour réparer provisoirement les effets, sans jamais s'attaquer à la cause originelle de leur mal être. L'isolement, ou le sentiment d'être isolé, caractérise aussi ces personnes, car l'accent mis sur la satisfaction de ses besoins coupe naturellement l'individu de l'extérieur. Tout cela est un résultat amplifié par la peur de l'inconnu et entretenu par les médias anxiogènes (séries policières, films violents, faits-divers...) lesquels créent un besoin de sécurité. Celle-ci passera par la nécessité de se plier à l'image que l'on se fait de l'opinion publique. Image artificielle construite par les médias. Ainsi, grâce au regard biaisé et orienté du journal télévisé, le public découvrira que la seule voie d'issue à son malheur passe par une adhésion aux besoins du capitalisme. Et la boucle est bouclée.

L'idée de rébellion est elle même déviée de son sens premier. Le rebelle d'aujourd'hui ne cherche pas à renverser le système, ni à générer de mouvement révolutionnaire. La rébellion d'aujourd'hui est parfaitement raccord avec l'idéologie qu'il prétend combattre. Conformément à ce dernier, le rebelle moderne est individualiste, il pense d'abord à ses intérêts, embrasse l'esprit de compétition et de prédation inhérente à la logique capitaliste. Il lutte avec brutalité contre les vraies idées révolutionnaires, celles qui ne passent pas à la TV ou dont le message est trahi par les relais médiatiques pour être mieux ridiculisé. Si le rebelle 2.0 s'oppose à l'autorité de ses maîtres, ce n'est pas pour proposer un monde meilleur, mais pour leur prendre la place. Car il est profondément envieux, il se rêve en Tony Montana prêt à gravir au plus vite les échelons pour déboulonner le parrain.

L'argent est le Dieu du Rebelle médiatisé, qui n'est en fait qu'une fausse alternative au régime en place. Ses objectifs sont les mêmes, il vise uniquement une autre cible marketing, principalement les jeunes. Chez lui aussi toute velléité spirituelle est étouffée, car la TV lui aura dit que les prêtres sont tous pédophiles et les femmes voilées toutes soumises. Mais si le rebelle se réfère à la religion, ce sera pour la détourner, servir ses appétits communautaristes et doper son individualisme. Le rebelle 2.0 entre en religion pour marquer sa différence par rapport à l'autre, c'est un apparat identitaire qui se torche avec l’universalisme de la Foi qu'il prétend défendre. 
C'est dans ce rapport à la société dépolitisé, décomplexé et décérébrée qu'il va s'en prendre à l'autorité, celle des professeurs, des flics... Il privilégie la quantité à la qualité, l'accumulation des biens matériels tout comme les hommes et/ou femmes qui ne sont plus qu'objets nécessaires à la renommée et au blindage de l'ego. il est contre les entraves, pour la dérégulation du marché, il pense naïvement que l'égalité des chances est le produit de l'abolition des barrières. Or, sans cadre, c'est la loi du plus fort par l'argent qui l'emporte dans cette situation. Le rebelle en ressortira perdant et dans le meilleur des cas il se rendra compte de la manipulation avant d'être descendu. Au final il ne restera dans l'histoire que son rôle d'idiot utile à la conservation du pouvoir par l'élite en place. Bref, on est bien loin de la contestation d'un Robin des bois, l'altruisme n'est pas la priorité.

La liberté "officielle" est un esclavagisme et une usine à barbares incultes. Les vecteurs de ce mythe sont les seuls à bénéficier de ce chaos et pour l'instant ils se sentent protégés à l'abri dans leurs quartiers résidentiels surprotégés. Mais un jour où l'autre, le monstre se retournera contre son créateur car on ne peut vivre indéfiniment coupé de la réalité.

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