Le Verbe créateur
"Qu'est-ce que c'est qu'une langue en dehors du fait de communiquer et expliquer des concepts ? C'est... Ça part du principe que la vibration préside à la forme. On a un acte de création, quand on lit les textes on dit qu'à un moment on (Dieu) sépara la lumière des ténèbres et ainsi de suite, il fait un certain nombre de trucs... puis on dit à chaque fois entre "Et il vit que c'était bon". C'est pas du tout ce qui était dit, quand on prend la traduction exacte, il a fait "Ouah". [...] Il a été tellement émerveillé par ce qu'il a fait qu'il a fait "Ouah". Et ça c'est peut être le premier son, la 1ère vibration, la distinction entre l'unité et la création. On peut dire que la création est un cri dans le silence. Un éternel moment présent, y a tout et rien, comme un espèce de lac, une espèce de mer. Puis tout à coup il y a une vibration. Et la vibration on l'entend aussi dans les textes car à un moment on dit "Il sépare l'eau d'en haut de l'eau d'en bas et le souffle de l'éternel plana à la surface de l'eau".
Et un souffle qui plane à la surface de l'eau, quand vous soufflez sur l'eau qu'est-ce qu'il se passe ? Il y a une vibration et la vibration créé la forme, donc la forme née du souffle et le souffle c'est la parole et la parole c'est le Logos. C'est pour ça que vous avez un logo sur les cartes de visite. Et un logo qui marche c'est celui qui porte la parole. C'est à dire qu'au delà de toutes les langues, il y a peut être des combinaisons de vibrations qui créent. Non seulement elles expliquent et expriment des choses mais c'est plus que ça encore, elles créent, elles fabriquent.
D'ailleurs l'alphabet, si c'est un alphabet c'est un alphabet sacré et "sacré ça créé". Je prends un exemple, vous prenez une enceinte acoustique, vous mettez du sable dessus, le sable prend une forme. Vous changez le son, le sable prend une autre forme. Et la question est "elle est où la forme ?"
Elle est pas dans le sable, elle est dans le son. Mais si c'est vrai pour le sable, pourquoi ça ne serait pas vrai pour tout ?" Cette table si c'est une table c'est peut être parce qu'il a un "champ de table" dedans, une musique ? Finalement dans la matière qu'il y a autour de nous et nous y compris, le plus important ce n'est pas la matière mais la vibration qui est en dedans. Et si je change la vibration, alors je change la forme. Vous imaginez la puissance de cette langue, qui chaque mot créé quelque chose. Et bien c'est le verbe créateur. Et c'est la différence entre "nommer" et "créer".
Si je reprends la même table et que je dis "table", tout le monde sait de quoi je parle mais c'est pas pour ça que j'en ai une. Par contre dedans pour que ce soit une table il y a un plan de table, par ce que sinon si je la secoue, tous ses composés partiraient dans tous les sens. S'ils ne partent pas, c'est qu'il y a bien quelque chose à l'intérieur qui va dire à chaque atome voilà quelle est ta place et voilà à quoi tu sers. À tel point que si je retire le plan et bien ça pourrait se désintégrer. Mais le plan c'est de la musique, c'est de la vibration, c'est de l'énergie. Si cette musique je suis capable de l'entendre et de la répéter et bien au moment où je répète le plan, je créé une autre table. C'est ça le verbe créateur. On peut donc imaginer, qu'au début des temps, il y a ces vibrations, cette langue qui naît et qui a la possibilité de créer."
Interview de Patrick Burensteinas sur Meta Tv (32-35 min).
Qu'est-ce qui est juste ?
"Je me pose aussi une question, ou plutôt je me fais une réflexion :
il y quelques centaines de millions d’années, il y avait que de l’eau
sur la Terre, et sur cette Terre, il y avait une espèce qui vivait et
qui vivait tellement bien qu’elle s’est reproduite, elle s’est
reproduite, elle s’est reproduite… Elle a fait une civilisation
incroyable, et comme elle s’est reproduite, bien sûr, elle a pollué.
Elle a fait une pollution incroyable ; elle a inventé un gaz d’une
toxicité qui rongeait tout : les métaux, les minéraux, tout ce qui était
vivant. Un poison incroyable qu’on serait incapable de faire
aujourd’hui. D’ailleurs, ça les a tous tués, sauf une poignée qui a
réussi à se sauver au fond des mers.
Alors, bien sûr, c’est pas les
Atlantes, hélas ! mais c’est les bactéries anaérobies. Et le poisson
terrible qu’elles ont créé, qui rongeait tout, c’est l’oxygène. Si elles
n’avaient pas pollué à l’époque, on n’existerait pas aujourd’hui.
Qu’est-ce qui est juste ?
[...]
Quant au fait que l’oxygène a
bien été créé et n’a pas créé la vie, bien sûr, puisqu’il y avait des
bactéries anaérobies avant, c’est-à-dire qui se passaient d’oxygène,
mais je veux dire que la civilisation aujourd’hui, qui existe comme elle
est, les animaux et nous-mêmes, humains, on est le fruit d’une
pollution. Ce qui veut dire que peut-être on prépare l’avènement d’une
future espèce qui sera très spirituelle, qui sera extraordinaire, qui
vivra dans la radioactivité et l’oxyde de carbone et qui trouvera ça
très bien.
[...]
On est ici dans un monde où on est un petit peu
débordé par les événements, et l’important finalement est d’essayer de
faire ce qui nous rend heureux. Il n’y a qu’une seule règle qu’on va
suivre – en tout cas que l’alchimiste va suivre : ni bien, ni mal. Parce
que la morale est relative, hein, ce qui est bien pour vous ne l’est
pas forcément pour moi. Mais il va essayer de faire, un, ce qui lui
semble juste, et deux, dans tous ses actes il se posera la question :
est-ce que je rassemble ou est-ce que je fractionne ?
Si je
fractionne déjà moi, si je fractionne autour de moi, c’est que pour moi
c’est quelque chose de mauvais ; par contre, si je me rassemble moi, si
je rassemble autour de moi, eh bien, c’est quelque chose de bon. Sans se
poser la question de savoir s’il y a une punition divine, s’il y a
quelque chose qui se passe, et surtout sans se poser la question : «
Est-ce qu’il y a une vraie conscience derrière ça ? ».
Parce que
vous dites : « On suit, par exemple, le vent divin », mais rien ne dit
qu’il y a une conscience derrière ça. Ça peut être seulement un
phénomène. Peut-être que Dieu est un ver géant, et à chaque fois qu’il
se retourne il y a un cataclysme sur la Terre dont il n’a aucune
conscience.
Est-ce que moi j’ai conscience des cellules qui existent
dans mon corps ? Pas du tout. J’ai peut-être une cellule très pieuse à
l’intérieur de mon corps qui loue la « cellule divine qui a créé la
cellule à son image »."
"L'Alchimie", avec Patrick Burensteinas
Retranscription d'un extrait d'une interview diffusée sur "Radio Ici & Maintenant !" 95.2, 18 janvier 2005
Interview intégrale : http://rimovnis.com/documents/DdP-Alchimie1-180105.pdf
Pour revenir à cet extrait d'interview, je nuancerai la fin :
"Rien ne dit qu’il y a une conscience derrière ça" (c'est-à-dire un éventuel plan divin visant à encadrer l'évolution de la conscience humaine ?). Car P. Burensteinas poursuit son raisonnement (fort intéressant) par un parallèle avec le corps humain :
"Est-ce que moi j’ai conscience des cellules qui existent dans mon corps ?"
Si en effet, nous n'avons pas conscience des cellules qui constituent notre corps, la Tradition primordiale (comme l'entendait René Guénon) enseigne que l'être humain a une constitution ternaire : le corps matériel / L'âme psychique / L'Esprit. Ce dernier est issu d’un niveau de réalité non matérielle. Guénon expliquait que l'Esprit / « Soi » / Essence / ou quelque autre nom qu’on voudra, "est identique à la réalité absolue en laquelle tout est contenu, c’est—à-dire à l’Atmâ suprême et inconditionné." (René Guénon, Esprit et intellect, Etudes Traditionnelles, juillet-août 1947).
À partir de là, la séparation entre les différents niveaux de conscience n'est-elle pas illusoire ? Et continuons la comparaison avec le corps humain : Lorsque des cellules deviennent défaillantes, celles-ci affectent l'organe dans lequel elles sont présentes et dès lors, une information est transmise à la conscience qui va pouvoir se mobiliser pour enrayer le processus nocif (Soins, visite chez le médecin, amputation). Ainsi, ne peut-on pas voir ici une conscience holistique du corps humain ? De la même manière, lorsque l'humanité est en crise, il m'est très concevable d'imaginer que des messagers angéliques puissent être envoyés sur Terre pour nous aider à rétablir l'équilibre, par une inspiration, des synchronicités, des opportunités de changement, etc... que l'on serait libre d'accepter ou pas.
dimanche 18 octobre 2015
jeudi 10 septembre 2015
Socialisme antisocial
Au début le projet c'était ça. Puis c'est parti en couille...
Je suis contre la guerre et les morts que ça entraine, pour la laïcité qui est mal appliquée par le gouvernement (non pas à cause des musulmans mais parce que nos dirigeants lèchent le cul des USA qui n'ont rien de laïc et veulent appliquer leur modèle communautariste qui est antagoniste avec les valeurs de la République). Je maintiens qu'il faut s'attaquer aux causes 1ères et non aux conséquences, ne pas généraliser et arrêter surtout la vision binaire de enfants, les méchants contre les gentils c'est dans les films.
Le truc, c'est que les gens s'en prennent à la gauche alors que les
partis de gauche n'ont plus de rapport avec ce qu'ils étaient à
l'origine (cf. Extrait de Jaurès sur le Socialisme douanier) et servent
désormais les intérêts de l'oligarchie. Comme la droite.
Et comme les extrémistes religieux avec leur texte saint en fait...
Je ne suis pas non plus dupe et je reconnais qu'il y a aussi du côté de "gauchistes un peu naïfs" de la récupération d'images de bébés morts pour légitimer leur discours, sans se douter que leur générosité servira les intérêts du capitalisme, friand de main d'œuvre pas cher pour compenser la population vieillissante européenne, sans parler des gouvernements en recherche de : diversion en vue du prochain crash économique / légitimation par la population de futurs bombardements en Syrie... officiellement pour détruire Daesh (groupe constitué de mercenaires armés par l'Europe et les États-Unis pour buter Khadafi en Lybie et renverser le régime syrien à la base) mais en fait pour niquer Bachar pour le compte de l'Oncle Sam suite au véto de la Chine et de la Russie en 2013. Tout est donc en place pour une 3e guerre mondiale. Bref, je sais que c'est compliqué et que la plupart des gens n'y comprend rien, tout ça serait rigolo si ce n'était pas tragique, c'est aussi la preuve que ces étiquettes n'ont plus lieu d'être.
J'essaye comme je peux de ne pas trop entrer dans cette guerre des propagandes, je contemple de loin les enragés de toute couleur / parti politique / religion (rayer la mention inutile) se poignarder, j'aiderai à mon niveau ceux qui n'ont rien demandé (peut importe la couleur, le parti politique et la religion) et je continuerai à pointer du doigt celui qui fournit le poignard et profite du chaos.
Amen / Amin
P.S. (Qui ne signifie pas Parti Socialiste...) :
Vandana Shiva (Écrivain, physicienne, prix Nobel alternatif et militante écologiste) explique parfaitement en quoi la dérégulation du marché et l'ouverture des frontières vont de paire :
"Aucune frontière n’est jamais totalement fermée. C’est comme la frontière de notre peau, qui nous protège de l’invasion de toute infection : des ouvertures permettent à la transpiration de sortir, pour maintenir notre équilibre, préserver notre santé. Toutes les frontières sont poreuses. Un corps souverain sait comment réguler ces entrées et sorties. Il sait quand trop de chaleur entre dans le corps. Il sait comment s’opposer aux virus. Quand un corps perd cette autonomie, cette souveraineté, il devient malade. C’est la même chose pour un pays, gouverné par un peuple souverain et autonome. Ce peuple peut dire : « Notre lait est vendu 14 roupies/litre, votre lait européen qui débarque à 8 roupies/litre va détruire l’économie laitière en Inde, donc j’ai le droit de réguler ce qui entre. » La régulation est vitale pour tout système vivant. La dérégulation, c’est l’appel de la mort. Un corps dérégulé meurt. De même, une nation, une économie dérégulée meurt.
Nous ne disons pas « non au commerce », mais « non au commerce dérégulé ». Non à un marché dérégulé où les conditions des échanges sont déterminées par l’avidité des entreprises, qui s’approprient nos impôts, créent des prix artificiels, entraînant dumping social et destruction de la souveraineté alimentaire. Ce système nuit aux paysans d’Inde. Et il nuit aux paysans d’Europe qui ne peuvent pas gagner leur vie, car les coûts de production sont supérieurs aux prix de vente du lait. L’agrobusiness et ses profits sont au centre de cette équation. Elle a pour conséquence le dumping, l’accaparement, le meurtre de nos paysans, le massacre de nos terres, et tous ces gens qu’on tue avec une alimentation empoisonnée".
Source : http://www.bastamag.net/Vandana-Shiva-Le-libre-echange-c
Et comme les extrémistes religieux avec leur texte saint en fait...
Je ne suis pas non plus dupe et je reconnais qu'il y a aussi du côté de "gauchistes un peu naïfs" de la récupération d'images de bébés morts pour légitimer leur discours, sans se douter que leur générosité servira les intérêts du capitalisme, friand de main d'œuvre pas cher pour compenser la population vieillissante européenne, sans parler des gouvernements en recherche de : diversion en vue du prochain crash économique / légitimation par la population de futurs bombardements en Syrie... officiellement pour détruire Daesh (groupe constitué de mercenaires armés par l'Europe et les États-Unis pour buter Khadafi en Lybie et renverser le régime syrien à la base) mais en fait pour niquer Bachar pour le compte de l'Oncle Sam suite au véto de la Chine et de la Russie en 2013. Tout est donc en place pour une 3e guerre mondiale. Bref, je sais que c'est compliqué et que la plupart des gens n'y comprend rien, tout ça serait rigolo si ce n'était pas tragique, c'est aussi la preuve que ces étiquettes n'ont plus lieu d'être.
J'essaye comme je peux de ne pas trop entrer dans cette guerre des propagandes, je contemple de loin les enragés de toute couleur / parti politique / religion (rayer la mention inutile) se poignarder, j'aiderai à mon niveau ceux qui n'ont rien demandé (peut importe la couleur, le parti politique et la religion) et je continuerai à pointer du doigt celui qui fournit le poignard et profite du chaos.
Amen / Amin
P.S. (Qui ne signifie pas Parti Socialiste...) :
Vandana Shiva (Écrivain, physicienne, prix Nobel alternatif et militante écologiste) explique parfaitement en quoi la dérégulation du marché et l'ouverture des frontières vont de paire :
"Aucune frontière n’est jamais totalement fermée. C’est comme la frontière de notre peau, qui nous protège de l’invasion de toute infection : des ouvertures permettent à la transpiration de sortir, pour maintenir notre équilibre, préserver notre santé. Toutes les frontières sont poreuses. Un corps souverain sait comment réguler ces entrées et sorties. Il sait quand trop de chaleur entre dans le corps. Il sait comment s’opposer aux virus. Quand un corps perd cette autonomie, cette souveraineté, il devient malade. C’est la même chose pour un pays, gouverné par un peuple souverain et autonome. Ce peuple peut dire : « Notre lait est vendu 14 roupies/litre, votre lait européen qui débarque à 8 roupies/litre va détruire l’économie laitière en Inde, donc j’ai le droit de réguler ce qui entre. » La régulation est vitale pour tout système vivant. La dérégulation, c’est l’appel de la mort. Un corps dérégulé meurt. De même, une nation, une économie dérégulée meurt.
Nous ne disons pas « non au commerce », mais « non au commerce dérégulé ». Non à un marché dérégulé où les conditions des échanges sont déterminées par l’avidité des entreprises, qui s’approprient nos impôts, créent des prix artificiels, entraînant dumping social et destruction de la souveraineté alimentaire. Ce système nuit aux paysans d’Inde. Et il nuit aux paysans d’Europe qui ne peuvent pas gagner leur vie, car les coûts de production sont supérieurs aux prix de vente du lait. L’agrobusiness et ses profits sont au centre de cette équation. Elle a pour conséquence le dumping, l’accaparement, le meurtre de nos paysans, le massacre de nos terres, et tous ces gens qu’on tue avec une alimentation empoisonnée".
Source : http://www.bastamag.net/Vandana-Shiva-Le-libre-echange-c
jeudi 27 août 2015
Le Verbe et le Symbole
" Ce n’est pas sans raison qu’on a pu rappeler à propos de symbolisme
les premiers mots de l’Évangile de saint Jean : « Au commencement était
le Verbe. » Le Verbe, le Logos, est à la fois Pensée et Parole : en
soi, Il est l’Intellect divin, qui est le « lieu des possibles » ; par
rapport à nous, Il se manifeste et s’exprime par la Création, où se
réalisent dans l’existence actuelle certains de ces mêmes possibles qui,
en tant qu’essences, sont contenus en Lui de toute éternité.
La Création est l’œuvre du Verbe ; elle est aussi, et par là même, sa
manifestation, son affirmation extérieure ; et c’est pourquoi le monde
est comme un langage divin pour ceux qui savent le comprendre : Cæli
enarrant gloriam Dei (Ps. XIX, 2). (…),toute signification devant avoir à
l’origine son fondement dans quelque convenance ou harmonie naturelle
entre le signe et la chose signifiée.
Si le Verbe est Pensée à l’intérieur et Parole à l’extérieur, et si le
monde est l’effet de la Parole divine proférée à l’origine des temps, la
nature entière peut être prise comme un symbole de la réalité
surnaturelle. Tout ce qui est, sous quelque mode que ce soit, ayant son
principe dans l’Intellect divin, traduit ou représente ce principe à sa
manière et selon son ordre d’existence ; et, ainsi, d’un ordre à
l’autre, toutes choses s’enchaînent et se correspondent pour concourir à
l’harmonie universelle et totale, qui est comme un reflet de l’Unité
divine elle-même.
Cette correspondance est le véritable fondement du symbolisme et c’est pourquoi les lois d’un domaine inférieur peuvent toujours être prises pour symboliser les réalités d’un ordre supérieur, où elles ont leur raison profonde, qui est à la fois leur principe et leur fin. "
[ René Guénon - Symboles de la Science sacrée, René Guénon, éd. Gallimard, 1962 - Le Verbe et le Symbole, P. 15 - 19 ]
Pour lire le chapitre dans son intégralité.
Le passage en gras a attiré mon attention car j'y perçois l'explication du phénomène astrologique :
" Tout ce qui est, sous quelque mode que ce soit, ayant son principe dans l’Intellect divin, traduit ou représente ce principe à sa manière et selon son ordre d’existence ; et, ainsi, d’un ordre à l’autre, toutes choses s’enchaînent et se correspondent pour concourir à l’harmonie universelle et totale, qui est comme un reflet de l’Unité divine elle-même."
Ce processus s'apparente à l'ADN dont l'information est présente dans chacune de nos cellules. Je fais également un lien avec la définition d'un hologramme : " L'information de la totalité de la scène est distribuée sur toute la surface de l'hologramme. Un petit morceau d'un hologramme permet de reconstituer toute l'image ".
(Source : Wikipédia)
Cette correspondance est le véritable fondement du symbolisme et c’est pourquoi les lois d’un domaine inférieur peuvent toujours être prises pour symboliser les réalités d’un ordre supérieur, où elles ont leur raison profonde, qui est à la fois leur principe et leur fin. "
[ René Guénon - Symboles de la Science sacrée, René Guénon, éd. Gallimard, 1962 - Le Verbe et le Symbole, P. 15 - 19 ]
Pour lire le chapitre dans son intégralité.
Le passage en gras a attiré mon attention car j'y perçois l'explication du phénomène astrologique :
" Tout ce qui est, sous quelque mode que ce soit, ayant son principe dans l’Intellect divin, traduit ou représente ce principe à sa manière et selon son ordre d’existence ; et, ainsi, d’un ordre à l’autre, toutes choses s’enchaînent et se correspondent pour concourir à l’harmonie universelle et totale, qui est comme un reflet de l’Unité divine elle-même."
Ce processus s'apparente à l'ADN dont l'information est présente dans chacune de nos cellules. Je fais également un lien avec la définition d'un hologramme : " L'information de la totalité de la scène est distribuée sur toute la surface de l'hologramme. Un petit morceau d'un hologramme permet de reconstituer toute l'image ".
(Source : Wikipédia)
dimanche 23 août 2015
"Pour une lecture profane des conflits" de Georges Corm (Extraits)
Extraits du livre "Pour une lecture profane des conflits" écrit par
Georges Corm, historien, consultant économique, financier international
et juriste libanais et ministre de l'économie du Liban au début des
années 2000.
Revenir aux techniques d'une politologie profane et multifactorielle des conflits (P. 24)
Une politologie profane des conflits se doit de passer en revue tous les facteurs qui ont pu donner naissance au conflit. C'est ce que l'on peut appeler l'analyse multifactorielle qui décline les causes démographiques, géographiques, économiques, politiques, historiques, idéologiques et culturelles qui ont structuré un conflit.
Dans ces causes, le religieux ou l'ethnique ou ce que l'on nomme les « valeurs » ne sont qu'un sous-produit de l'un des facteurs, celui de la culture ou de la civilisation, lequel d'ailleurs n'est jamais que l'habillage des autres causes majeures du conflit, comme nous le verrons ci-dessous.
Cependant, l'approche actuelle des conflits ne met en avant que les différentes expressions du culturel, notamment le religieux, pour mieux voiler les autres causes qui sont les vraies clés d'explication du conflit et qu'à ce titre on peut appeler les causes « profanes ».
[...]
La géographie est aussi un facteur explicatif des conflits tout à fait délaissé aujourd'hui, en dépit du fait que nous continuons d'employer l'expression de conflits « géopolitiques ». Les observateurs et analystes regardent d'ailleurs rarement une carte géographique lorsqu'ils décrivent ou expliquent un conflit. Que l'Angleterre, située dans le Nord de l'Europe ait réussi à dominer la Méditerranée, l'Océan atlantique et l'Océan indien ne pose dans la plupart des manuels d'histoire aucun problème, mais que la Russie tsariste ou bolchevique, dont les frontières sont situées à bien peu de distances de la Méditerranée a voulu y avoir un accès a toujours été dénoncé comme une forme perverse d'impérialisme slave ou bolchevique. Aujourd'hui, que les États-Unis, situés à 15 000 kilomètres du Moyen-Orient, y fassent la loi et occupent l'Irak ne fait pas scandale, mais que l'Iran ou la Syrie, puissances régionales importantes veulent y exercer une influence et être entendues, cela est considéré comme un acte hostile et nous met au bord de la guerre. Un autre exemple des aberrations auxquelles on aboutit est celui de la Palestine. Les dirigeants occidentaux et israéliens continuent de parler de la nécessité d'avoir deux États, mais si l'on se donne la peine de jeter un simple coup d'œil à la carte des implantations israéliennes en Cisjordanie occupée, on réalise immédiatement que la naissance d'un tel État est une impossibilité géographique.
[...]
Le besoin d'un ennemi massif pour maintenir des politiques impériales
Il en est ainsi du besoin d'avoir un ennemi qui justifie le maintien d'un surarmement et d'une influence internationale prédominante. C'est devenu pratiquement une banalité de dire que les États-Unis, une fois le géant soviétique disparu, ont éprouvé la nécessité de l'existence d'un nouvel ennemi redoutable à l'échelle internationale, ce qui justifierait le maintien de son leadership sur l'Europe et de nombreux pays du tiers-monde. Les thèses sur la guerre de civilisation, le développement des théories sur le terrorisme comme mal absolu ayant son foyer principal dans le monde musulman et la religion islamique ont permis de se forger un ennemi à la mesure des prétentions américaines de diriger seul le monde et de le sauver des nouvelles forces du mal, apparues sitôt le danger de la subversion communiste réduit à néant.
Ainsi, l'OTAN, dont la seule raison d'être était la défense occidentale contre la menace soviétique, loin de disparaître s'est renforcée. Le terrorisme, plutôt que d'être combattu par les moyens classiques de police et par la suppression progressive des causes qui peuvent l'engendrer, a entraîné un déploiement militaire exceptionnel, l'invasion et l'occupation de deux pays, ce qui, bien sûr, ne pouvait que multiplier les conditions favorables à la prolifération du terrorisme, ce qui a fait entrer l'instabilité du monde dans un cercle vicieux qui l'autoperpétue et dont il ne sera pas facile de se débarrasser.
Il y a là un phénomène sur lequel peu de réflexions critiques sont développées. Signalons encore une fois ce rapport de l'ONU qui fait du terrorisme dit transnational (entendez islamique) la seule menace pesant sur le sort de l'humanité, sans même s'interroger sur ses causes ou bien différencier les différents types de terrorisme, dont certains restent exclusivement nationaux, cependant que d'autres sont des actes légitimes de résistance à des occupations de territoires par des armées étrangères.
[...]
La disparition des règles du droit international classique
Cette disparition se manifeste par la manipulation qui est faite des règles du droit international par l'hyperpuissance américaine et par la soumission des Nations unies à cette manipulation. Les règles sont aujourd'hui, plus que jamais dans l'histoire, appliquées avec deux poids deux mesures suivant le pays concerné. S'il s'agit d'un pays dont le gouvernement entend maintenir une ligne politique qui ne soit pas alignée sur celle de l'OTAN, il encourt des sanctions que peut édicter le Conseil de sécurité des Nations unies, où domine la volonté des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. Cependant que s'il s'agit d'un pays dont le gouvernement est un client de la puissance américaine et de l'OTAN, ses infractions aux règles du droit international resteront impunies.
Cette manipulation de la règle de droit a des conséquences très graves sur la stabilité du monde où elle instaure progressivement une loi de la jungle ; cependant qu'elle décrédibilise la notion même de règle de droit et de démocratie.
[...]
La grille interprétative des conflits du Moyen-Orient mêle scandaleusement religion et politique (P. 104)
Pourtant, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a pu croire que le monde se débarrassait de cette hantise du religieux dans les relations internationales, hantise qui est fonction, non seulement des intérêts de puissance des États, mais aussi de la permanence de structures de pensée et de
vision du monde imprégnées de lectures de l’Ancien Testament. En effet, au Moyen-Orient, le mouvement nationaliste arabe luttant pour l’indépendance des pays arabes, alors tous colonisés par la France ou l’Angleterre, n’avait aucune coloration religieuse. Il en était de même du Mouvement des Non Alignés, constitué en 1955 à Bandung, capitale de l’Indonésie nouvellement indépendante, et qui regroupait tous les pays du tiers monde nouvellement
indépendant. La rhétorique revendicative du Mouvement à l’égard des pays industrialisés et anciennement puissances coloniales, y compris celle de l’un de ses principaux ténors, le chef de l’État égyptien, Jamal Abdel Nasser, ne faisait jamais la moindre allusion à une religion ou à des valeurs religieuses.
Elle n’expliquait pas plus le colonialisme ou la lutte de libération nationale comme liés à des problèmes de civilisation ou de valeurs culturelles et religieuses.
Bien au contraire, le discours du Mouvement et des représentants de ses États membres était articulé sur les grands principes de la philosophie des Lumières et de la Révolution française. Profondément laïc dans son essence, le discours était centré sur des problèmes de juste répartition des richesses entre pays industrialisés et pays en développement, du droit à la souveraineté des États sur leurs richesses naturelles, sur le juste prix des matières premières et autres sujets profanes ne faisant appel qu’aux principes universels de justice établis par les Lumières, la Révolution française et la pensée kantienne.
Les facteurs ayant contribué à faire disparaître cette laïcité (Synthèse tirée de la conférence de Georges Corm sur le sujet "Globalisation et communautarisation du monde : quel futur pour la laïcité ?)
Cet apport majeur à l’extension de la pensée laïque dans le monde a cependant été très vite contré par une série de facteurs adverses qui ont poussé à rétablir l’instrumentalisation des valeurs religieuses dans la géopolitique internationale.
1) L’instrumentalisation des trois monothéismes dans la Guerre froide
Le premier de ces facteurs a été l’instrumentalisation des trois monothéismes juif,
chrétien et musulman dans la Guerre froide pour contrer l’extension du communisme dans le tiers monde et pour encourager la dissidence à l’intérieur de l’URSS et des pays satellites. Les mouvements de fondamentalismes religieux ont été encouragés partout, en particulier dans les pays musulmans, cependant que les origines polonaises du pape Jean-Paul II, ses convictions ardentes et sa forte personnalité ont servi aussi de moyen de lutte contre l’URSS et les courants de pensée marxisants dans le monde.
De même, l’État d’Israël devenu un centre majeur de soutien au judaïsme s’est lui aussi mobilisé dans la Guerre froide aux côtés des États-Unis.
Le sommet de cette évolution a été atteint lorsque, après l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, des dizaines de milliers de jeunes arabes et de jeunes musulmans d’autres nationalités ont été entraînés militairement et idéologiquement à aller mener la résistance à l’invasion soviétique, non pas dans le cadre d’une aide à un mouvement de libération nationale, mais dans celui du Djihad, ou de la guerre sainte contre les infidèles marxistes et athées. Ce sont ces mêmes brigades de combattants jihadistes qui seront ensuite envoyés en Bosnie, au Kosovo et en Tchétchénie. C’est bien sûr d’elles qu’est issue la nébuleuse terroriste d’Al Quaëda.
2) La multiplication des États à prétention religieuse et la création d’une organisation internationale basée sur le lien religieux
Un autre facteur qu’il faut mettre en valeur ici est la multiplication des États du Moyen-Orient à prétention religieuse, c’est-à-dire dont l’idéologie de constitution se veut l’incarnation représentative d’une identité religieuse et des valeurs qui en découlent. En fait, le premier de ces États a été celui d’Arabie saoudite, créé en 1925, par une conquête territoriale violente de très larges espaces de la péninsule Arabique que réalise une alliance entre la famille des Saoud et les adeptes d’un penseur musulman rigoriste, Mohammed Abdel Wahhab, fondateur du mouvement Wahhabite. La montée progressive en puissance de cet État, puis son alliance étroite avec la politique des États-Unis dans le monde et les énormes moyens financiers de sa
fortune pétrolière ont fait du royaume saoudien et du mouvement wahhabite, qui était resté très marginal en Islam jusque dans les années soixante du
siècle dernier, une composante majeure du retour du religieux en politique internationale.
En 1947, la création de l’État du Pakistan par la sécession d’une large partie des Indiens musulmans met sur l’échiquier international un second État qui se définit par la religion de la majorité de ses citoyens. En 1969, le coup d’État militaire entraîne
l’élimination du président Bhutto dont le tempérament était manifestement laïc. Le nouveau régime met en application une forme radicale de la sharia islamique, celle même que seul pratique le Royaume saoudien. En cette même année 1969, et toujours dans le cadre de la Guerre froide et de la lutte contre le communisme, un coup d’État militaire renverse en Indonésie le très laïc et œcuménique président Ahmed Soekarno.
Le général Suharto qui lui succède laisse faire une islamisation rampante de la vie politique de ce pays, derrière laquelle il cache commodément le système de corruption qui s’installe sous son égide. La même année aussi, au Soudan, le Président Numeiry, socialiste et d’obédience nationaliste arabe nassérienne laïque décide de mettre lui aussi en pratique la loi coranique suivant le modèle saoudo-pakistanais. En cette même année 1969, l’Arabie saoudite, le Pakistan et le Maroc lancent l’idée d’un regroupement des États musulmans dans une organisation internationale. Ainsi est créée l’Organisation de la Conférence des États islamiques qui se réunit tous les deux ans au niveau des chefs d’État. Cette organisation qui ne suscite aucune protestation des pays occidentaux laïcs se veut, en fait, un concurrent au Mouvement des Non Alignés et de la Ligue Arabe, deux organisations internationales peu soumises aux intérêts des États-Unis dans la Guerre froide.
Un an après la création du Pakistan, le Moyen-Orient voit la naissance de l’État d’Israël qui se définit suivant le désir du fondateur du Mouvement sioniste, Théodore Herzl, comme l’État des juifs. Si le parti travailliste dominant jusqu’en 1977 se considère comme un parti laïc, les partis religieux ainsi que la droite expansionniste du Likoud deviennent des acteurs majeurs de politique intérieure et amènent à une judaïsation encore plus poussée
de la vie publique et de la politique de l’État. L’État d’Israël se veut le défenseur du judaïsme et des Juifs à l’échelle internationale ; il déclare Jérusalem, capitale éternelle de l’État, ignorant la présence des lieux saints chrétiens et musulmans et le plan de partage des Nations Unies qui prévoyait que Jérusalem serait une ville ouverte, administrée internationalement.
Les gouvernements occidentaux, compte tenu du génocide des communautés juives d’Europe aux mains du régime nazi, acceptent de plus en plus que l’État d’Israël soit placé au-dessus des principes du droit international et du droit humanitaire, ce qui permet l’extension continue des colonies de peuplement et l’oppression grandissante de la population palestinienne qui l’accompagne nécessairement. À cette population occupée depuis 1967 par l’armée israélienne, il est demandé en fait d’arrêter toute forme de résistance et de protéger ses occupants et les colonies de peuplement qu’il crée. Ici encore des considérations religieuses amènent à mettre de côté les principes universels du droit.
Enfin, en 1979, en Iran, éclate une révolution qui se définit elle-même comme religieuse et se débarrasse à la fois du régime laïc du Chah d’Iran et des deux très influents partis marxisants, le parti communiste Tudeh, et celui des Moujahadeen Khalq. La révolution adopte un anti-impérialisme vigoureux et une politique de redistribution des revenus. Son succès est en partie attribuable au fait que ses dirigeants islamisent habilement le discours et les vocabulaires, ce qui donne une résonance forte au niveau populaire à cette révolution. La tonalité de ce discours qui s’appuie sur le patrimoine de l’Islam d’obédience chiite, entraîne évidemment une crispation identitaire encore plus forte dans l’Islam saoudo-wahhabite dominant, qui a réussi presque partout à investir et dominer les communautés sunnites arabes et non arabes.
On ajoutera ici qu’en Méditerranée de l’Est, porte du Moyen-Orient, la désintégration de la Yougoslavie en 1992 est une catastrophe dont nous n’avons
pas encore mesuré toutes les conséquences, car celle-ci s’effectue sur des bases et des considérations exclusivement religieuses pour séparer des Serbes orthodoxes des Croates et Slovènes catholiques ainsi que des Bosniaques ou des Kosovars musulmans dans une violence peu commune, encouragée sans doute aucun par le silence de certains pays de l’Union européenne, l’activisme militaire et politique d’autres en faveur de ces divorces sanglants !
[...]
Arrêter la communautarisation du monde et la fragmentation des sociétés (P. 107)
Nous sommes aujourd’hui à un tournant où il nous faut sauve garder les valeurs républicaines et les sauver de la communautarisation qui s’empare du monde depuis quelques décades par la façon aveugle dont fonctionne la globalisation économique de pair avec l’affirmation de l’unilatéralisme politique des États-Unis entraînant avec eux l’Union européenne.
Il nous faut aussi sauvegarder les principes de la morale kantienne qui sont établis indépendamment des valeurs religieuses et métaphysiques et notamment de la théologie du salut monothéiste, même lorsque cette dernière est sécularisée.
Il faut encore sauvegarder le modèle de la société plurielle citoyenne de l’envahissement du modèle de la société multiculturelle à l’anglo-saxonne qui n’est le plus souvent qu’une agglomération de ghettos particularistes.
Certes, beaucoup de modèles impériaux dans l’histoire, de même que le modèle anglo-saxon actuel, préfèrent la fragmentation à base communautaire, ethnique ou religieuse de l’aire géographique de domination. Cela facilite le maintien, voir le renforcement de la domination et le contrôle des communautés satellisées, alors que des sociétés unies par un lien citoyen fort et des valeurs républicaines à la française offrent des résistances beaucoup plus fortes à ce type de domination qui utilise aujourd’hui la globalisation économique sauvage pour s’affirmer.
Reconnaissons ici que cette domination anglo-saxonne a aussi des aspects culturels non négligeables. C’est eux qui rongent progressivement les conceptions de la laïcité républicaine, car de nos jours, les notions d’« intégration » et d’ « assimilation » au cœur de la problématique citoyenne ont acquis mauvaise presse, même dans la culture française et celle des pays francophones nourris des principes de la Révolution française. Dans un monde où les flux migratoires sont devenus si importants, peut-on, pourtant, renoncer à l’idéal citoyen en acceptant les conceptions de la société multiculturelle, c’est-à-dire la perpétuation, voir la reconstitution des communautés organiques, l’envahissement de l’espace public par les spécificités ethniques et religieuses, au détriment de l’espace citoyen, celui où se définit le bien commun.
En fait, l’idéal kantien d’une société cosmopolite ne peut advenir et prospérer qu’à partir d’espaces étatiques structurés sur des cultures bien assimilées, sur une bonne intégration de différentes catégories sociales dans cette culture et non sur un patchwork ou assemblage hétéroclite de mœurs et de façon de vivre. La société plurielle, forcément démocratique, est celle qui œuvre pour la liberté de penser la cité politiquement et non point celle qui encourage la liberté de communautariser la vie de la cité.
[...]
Certes, la laïcité ne peut plus être un anticléricalisme militant ou feutré. Ses partisans doivent accepter le débat théologico-politique avec les partisans d’un rôle direct du religieux dans la vie de la cité et ses valeurs, afin de démontrer les impasses auxquelles mène le fait de faire jouer à la religion un rôle de marqueur identitaire majeur et de mêler religion et politique dans la vision du monde. Beaucoup de laïcs croient que leurs valeurs sont des valeurs issues exclusivement du monothéisme à la nouvelle mode « judéo-chrétienne » et qu’elles s’opposent à des va leurs dites « arabo-musulmanes ».
Ils sont tentés par ailleurs et de façon paradoxale de verser dans ce que certains appellent un « intégrisme de la République », tant est grand leur refus d’un dialogue sérieux sur l’évolution politique du monde et leur méconnaissance des changements de sensibilités culturelles en Orient comme en Occident. Ils s’accrochent à des conceptions partielles et souvent périmées de la laïcité jacobine pour justifier une islamophobie devenue rampante, tant les pratiques politico-religieuses inspirées des idéologies d’État de l’Arabie saoudite ou du Pakistan peuvent effectivement avoir des aspects repoussants.
Le problème ici n’est pas tant la religion musulmane elle-même qui, comme toutes les religions à caractère universelle a eu des écoles théologiques innombrables, des exégèses contradictoires du texte de la Révélation coranique, des pratiques diverses et multiples suivant les époques et les milieux géographiques ou les identités ethniques des peuples ayant adopté cette religion. Mais bien plus tôt celui de réduire l’identité complexe que forge l’adhésion à une religion à une seule pratique inspirée de politiques d’État.
Dans le monde exalté et multiple que nous vivons, l’approche laïque des problèmes doit développer sa connaissance des religions et des usage qui en sont fait à des buts de puissance géopolitiques ou, plus prosaïquement, à but de campagnes électorales dans tel ou tel pays.
[...]
La laïcité sur ce plan se doit de sortir du carcan de la spécificité qui a caractérisé son émergence historique, à savoir la rivalité des deux pouvoirs temporels et spirituels et la lutte contre le monopole de la définition du dogme religieux par l’Église romaine.
Elle doit se hausser au niveau supérieur de la philosophie universaliste et humaniste dont elle est issue et s’affirmer à nouveau comme le pilier majeur d’une pratique d’essence démocratique. Elle doit donc rappeler qu’une laïcité bien comprise est d’abord une doctrine de concorde civile à l’intérieur des États, ainsi que dans les relations interétatiques ; elle est aussi une doctrine qui protège l’individu de la dictature du conformisme et des pressions psychologiques que peuvent exercer sur lui les notabilités et dirigeants de sa communauté religieuse ou ethnique ; elle est, par ailleurs une doctrine visant à préserver l’intégrité de la religion et des valeurs spirituelles en les mettant à l’abri des manipulations des hommes politiques dans la compétition pour le pouvoir, de même qu’elle préserve l’intégrité de l’État en le mettant à l’abri de ces manipulations du religieux.
Bien plus, faut-il laisser faire la conception anglo-saxonne de la globalisation qui traite du besoin religieux comme du besoin d’un produit de consommation ? Les sociologues et politologues commencent, en effet, à évoquer un marché des religions à compétition ouverte que justifie la globalisation. Le prosélytisme religieux devient ainsi un phénomène courant. Celui-ci peut susciter des réactions vives, des tensions sociales lorsque des moyens financiers considérables sont à la dispositions des propagandistes de religion ou de nouvelles églises ou de sectes. C’est le cas en particulier des nouveaux évangélistes américains, des musulmans d’obédience saoudo-wahhabites et d’autres groupes prosélytes.
[...]
La philosophie politique laïque doit avoir le courage d’affirmer qu’au Moyen-Orient, aucun conflit n’est susceptible de solution sans un recours aux principes de laïcité.
Elle doit aussi oser prétendre que ses principes sont les seuls qui peuvent constituer un antidote au consumérisme effréné que la globalisation économique entraîne, car seules des valeurs citoyennes fortes peuvent aider à arrêter le réchauffement climatique qu’entraîne la boulimie de consommation gaspilleuse d’énergie, d’eau et d’autres matières premières. La discipline citoyenne que la laïcité implique peut seule, en effet, amener les sociétés à accepter les efforts collectifs que nécessite un changement de modèle économique qu’appellent les nécessités de réduire les émissions de CO2.
Enfin, la laïcité est seule susceptible de rétablir des repères moraux et éthiques universalisables, parce qu’indépendants des croyances spirituelles et des besoins mystiques et de transcendance de la nature humaine.
Dans ce contexte, la laïcité mérite mieux que le regard dédaigneux et superficiel que lui accordent ses détracteurs. Mais elle mérite aussi de ses adeptes une ouverture d’esprit plus large, une culture politique et philosophique plus étendue, et la conscience qu’une laïcité bien comprise est le meilleur antidote aux fondamentalismes de natures diverses et à l’autoritarisme social, politique et culturels, voir parfois le totalitarisme, qu’ils impliquent.
Pour une lecture profane des conflits, Georges Corm, éd. La Découverte / Poche, 2012
Pour consulter d'autres extraits du livre : http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RIS_068_0025
Revenir aux techniques d'une politologie profane et multifactorielle des conflits (P. 24)
Une politologie profane des conflits se doit de passer en revue tous les facteurs qui ont pu donner naissance au conflit. C'est ce que l'on peut appeler l'analyse multifactorielle qui décline les causes démographiques, géographiques, économiques, politiques, historiques, idéologiques et culturelles qui ont structuré un conflit.
Dans ces causes, le religieux ou l'ethnique ou ce que l'on nomme les « valeurs » ne sont qu'un sous-produit de l'un des facteurs, celui de la culture ou de la civilisation, lequel d'ailleurs n'est jamais que l'habillage des autres causes majeures du conflit, comme nous le verrons ci-dessous.
Cependant, l'approche actuelle des conflits ne met en avant que les différentes expressions du culturel, notamment le religieux, pour mieux voiler les autres causes qui sont les vraies clés d'explication du conflit et qu'à ce titre on peut appeler les causes « profanes ».
[...]
La géographie est aussi un facteur explicatif des conflits tout à fait délaissé aujourd'hui, en dépit du fait que nous continuons d'employer l'expression de conflits « géopolitiques ». Les observateurs et analystes regardent d'ailleurs rarement une carte géographique lorsqu'ils décrivent ou expliquent un conflit. Que l'Angleterre, située dans le Nord de l'Europe ait réussi à dominer la Méditerranée, l'Océan atlantique et l'Océan indien ne pose dans la plupart des manuels d'histoire aucun problème, mais que la Russie tsariste ou bolchevique, dont les frontières sont situées à bien peu de distances de la Méditerranée a voulu y avoir un accès a toujours été dénoncé comme une forme perverse d'impérialisme slave ou bolchevique. Aujourd'hui, que les États-Unis, situés à 15 000 kilomètres du Moyen-Orient, y fassent la loi et occupent l'Irak ne fait pas scandale, mais que l'Iran ou la Syrie, puissances régionales importantes veulent y exercer une influence et être entendues, cela est considéré comme un acte hostile et nous met au bord de la guerre. Un autre exemple des aberrations auxquelles on aboutit est celui de la Palestine. Les dirigeants occidentaux et israéliens continuent de parler de la nécessité d'avoir deux États, mais si l'on se donne la peine de jeter un simple coup d'œil à la carte des implantations israéliennes en Cisjordanie occupée, on réalise immédiatement que la naissance d'un tel État est une impossibilité géographique.
[...]
Le besoin d'un ennemi massif pour maintenir des politiques impériales
Il en est ainsi du besoin d'avoir un ennemi qui justifie le maintien d'un surarmement et d'une influence internationale prédominante. C'est devenu pratiquement une banalité de dire que les États-Unis, une fois le géant soviétique disparu, ont éprouvé la nécessité de l'existence d'un nouvel ennemi redoutable à l'échelle internationale, ce qui justifierait le maintien de son leadership sur l'Europe et de nombreux pays du tiers-monde. Les thèses sur la guerre de civilisation, le développement des théories sur le terrorisme comme mal absolu ayant son foyer principal dans le monde musulman et la religion islamique ont permis de se forger un ennemi à la mesure des prétentions américaines de diriger seul le monde et de le sauver des nouvelles forces du mal, apparues sitôt le danger de la subversion communiste réduit à néant.
Ainsi, l'OTAN, dont la seule raison d'être était la défense occidentale contre la menace soviétique, loin de disparaître s'est renforcée. Le terrorisme, plutôt que d'être combattu par les moyens classiques de police et par la suppression progressive des causes qui peuvent l'engendrer, a entraîné un déploiement militaire exceptionnel, l'invasion et l'occupation de deux pays, ce qui, bien sûr, ne pouvait que multiplier les conditions favorables à la prolifération du terrorisme, ce qui a fait entrer l'instabilité du monde dans un cercle vicieux qui l'autoperpétue et dont il ne sera pas facile de se débarrasser.
Il y a là un phénomène sur lequel peu de réflexions critiques sont développées. Signalons encore une fois ce rapport de l'ONU qui fait du terrorisme dit transnational (entendez islamique) la seule menace pesant sur le sort de l'humanité, sans même s'interroger sur ses causes ou bien différencier les différents types de terrorisme, dont certains restent exclusivement nationaux, cependant que d'autres sont des actes légitimes de résistance à des occupations de territoires par des armées étrangères.
[...]
La disparition des règles du droit international classique
Cette disparition se manifeste par la manipulation qui est faite des règles du droit international par l'hyperpuissance américaine et par la soumission des Nations unies à cette manipulation. Les règles sont aujourd'hui, plus que jamais dans l'histoire, appliquées avec deux poids deux mesures suivant le pays concerné. S'il s'agit d'un pays dont le gouvernement entend maintenir une ligne politique qui ne soit pas alignée sur celle de l'OTAN, il encourt des sanctions que peut édicter le Conseil de sécurité des Nations unies, où domine la volonté des États-Unis, de la France et de la Grande-Bretagne. Cependant que s'il s'agit d'un pays dont le gouvernement est un client de la puissance américaine et de l'OTAN, ses infractions aux règles du droit international resteront impunies.
Cette manipulation de la règle de droit a des conséquences très graves sur la stabilité du monde où elle instaure progressivement une loi de la jungle ; cependant qu'elle décrédibilise la notion même de règle de droit et de démocratie.
[...]
La grille interprétative des conflits du Moyen-Orient mêle scandaleusement religion et politique (P. 104)
Pourtant, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, on a pu croire que le monde se débarrassait de cette hantise du religieux dans les relations internationales, hantise qui est fonction, non seulement des intérêts de puissance des États, mais aussi de la permanence de structures de pensée et de
vision du monde imprégnées de lectures de l’Ancien Testament. En effet, au Moyen-Orient, le mouvement nationaliste arabe luttant pour l’indépendance des pays arabes, alors tous colonisés par la France ou l’Angleterre, n’avait aucune coloration religieuse. Il en était de même du Mouvement des Non Alignés, constitué en 1955 à Bandung, capitale de l’Indonésie nouvellement indépendante, et qui regroupait tous les pays du tiers monde nouvellement
indépendant. La rhétorique revendicative du Mouvement à l’égard des pays industrialisés et anciennement puissances coloniales, y compris celle de l’un de ses principaux ténors, le chef de l’État égyptien, Jamal Abdel Nasser, ne faisait jamais la moindre allusion à une religion ou à des valeurs religieuses.
Elle n’expliquait pas plus le colonialisme ou la lutte de libération nationale comme liés à des problèmes de civilisation ou de valeurs culturelles et religieuses.
Bien au contraire, le discours du Mouvement et des représentants de ses États membres était articulé sur les grands principes de la philosophie des Lumières et de la Révolution française. Profondément laïc dans son essence, le discours était centré sur des problèmes de juste répartition des richesses entre pays industrialisés et pays en développement, du droit à la souveraineté des États sur leurs richesses naturelles, sur le juste prix des matières premières et autres sujets profanes ne faisant appel qu’aux principes universels de justice établis par les Lumières, la Révolution française et la pensée kantienne.
Les facteurs ayant contribué à faire disparaître cette laïcité (Synthèse tirée de la conférence de Georges Corm sur le sujet "Globalisation et communautarisation du monde : quel futur pour la laïcité ?)
Cet apport majeur à l’extension de la pensée laïque dans le monde a cependant été très vite contré par une série de facteurs adverses qui ont poussé à rétablir l’instrumentalisation des valeurs religieuses dans la géopolitique internationale.
1) L’instrumentalisation des trois monothéismes dans la Guerre froide
Le premier de ces facteurs a été l’instrumentalisation des trois monothéismes juif,
chrétien et musulman dans la Guerre froide pour contrer l’extension du communisme dans le tiers monde et pour encourager la dissidence à l’intérieur de l’URSS et des pays satellites. Les mouvements de fondamentalismes religieux ont été encouragés partout, en particulier dans les pays musulmans, cependant que les origines polonaises du pape Jean-Paul II, ses convictions ardentes et sa forte personnalité ont servi aussi de moyen de lutte contre l’URSS et les courants de pensée marxisants dans le monde.
De même, l’État d’Israël devenu un centre majeur de soutien au judaïsme s’est lui aussi mobilisé dans la Guerre froide aux côtés des États-Unis.
Le sommet de cette évolution a été atteint lorsque, après l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS, des dizaines de milliers de jeunes arabes et de jeunes musulmans d’autres nationalités ont été entraînés militairement et idéologiquement à aller mener la résistance à l’invasion soviétique, non pas dans le cadre d’une aide à un mouvement de libération nationale, mais dans celui du Djihad, ou de la guerre sainte contre les infidèles marxistes et athées. Ce sont ces mêmes brigades de combattants jihadistes qui seront ensuite envoyés en Bosnie, au Kosovo et en Tchétchénie. C’est bien sûr d’elles qu’est issue la nébuleuse terroriste d’Al Quaëda.
2) La multiplication des États à prétention religieuse et la création d’une organisation internationale basée sur le lien religieux
Un autre facteur qu’il faut mettre en valeur ici est la multiplication des États du Moyen-Orient à prétention religieuse, c’est-à-dire dont l’idéologie de constitution se veut l’incarnation représentative d’une identité religieuse et des valeurs qui en découlent. En fait, le premier de ces États a été celui d’Arabie saoudite, créé en 1925, par une conquête territoriale violente de très larges espaces de la péninsule Arabique que réalise une alliance entre la famille des Saoud et les adeptes d’un penseur musulman rigoriste, Mohammed Abdel Wahhab, fondateur du mouvement Wahhabite. La montée progressive en puissance de cet État, puis son alliance étroite avec la politique des États-Unis dans le monde et les énormes moyens financiers de sa
fortune pétrolière ont fait du royaume saoudien et du mouvement wahhabite, qui était resté très marginal en Islam jusque dans les années soixante du
siècle dernier, une composante majeure du retour du religieux en politique internationale.
En 1947, la création de l’État du Pakistan par la sécession d’une large partie des Indiens musulmans met sur l’échiquier international un second État qui se définit par la religion de la majorité de ses citoyens. En 1969, le coup d’État militaire entraîne
l’élimination du président Bhutto dont le tempérament était manifestement laïc. Le nouveau régime met en application une forme radicale de la sharia islamique, celle même que seul pratique le Royaume saoudien. En cette même année 1969, et toujours dans le cadre de la Guerre froide et de la lutte contre le communisme, un coup d’État militaire renverse en Indonésie le très laïc et œcuménique président Ahmed Soekarno.
Le général Suharto qui lui succède laisse faire une islamisation rampante de la vie politique de ce pays, derrière laquelle il cache commodément le système de corruption qui s’installe sous son égide. La même année aussi, au Soudan, le Président Numeiry, socialiste et d’obédience nationaliste arabe nassérienne laïque décide de mettre lui aussi en pratique la loi coranique suivant le modèle saoudo-pakistanais. En cette même année 1969, l’Arabie saoudite, le Pakistan et le Maroc lancent l’idée d’un regroupement des États musulmans dans une organisation internationale. Ainsi est créée l’Organisation de la Conférence des États islamiques qui se réunit tous les deux ans au niveau des chefs d’État. Cette organisation qui ne suscite aucune protestation des pays occidentaux laïcs se veut, en fait, un concurrent au Mouvement des Non Alignés et de la Ligue Arabe, deux organisations internationales peu soumises aux intérêts des États-Unis dans la Guerre froide.
Un an après la création du Pakistan, le Moyen-Orient voit la naissance de l’État d’Israël qui se définit suivant le désir du fondateur du Mouvement sioniste, Théodore Herzl, comme l’État des juifs. Si le parti travailliste dominant jusqu’en 1977 se considère comme un parti laïc, les partis religieux ainsi que la droite expansionniste du Likoud deviennent des acteurs majeurs de politique intérieure et amènent à une judaïsation encore plus poussée
de la vie publique et de la politique de l’État. L’État d’Israël se veut le défenseur du judaïsme et des Juifs à l’échelle internationale ; il déclare Jérusalem, capitale éternelle de l’État, ignorant la présence des lieux saints chrétiens et musulmans et le plan de partage des Nations Unies qui prévoyait que Jérusalem serait une ville ouverte, administrée internationalement.
Les gouvernements occidentaux, compte tenu du génocide des communautés juives d’Europe aux mains du régime nazi, acceptent de plus en plus que l’État d’Israël soit placé au-dessus des principes du droit international et du droit humanitaire, ce qui permet l’extension continue des colonies de peuplement et l’oppression grandissante de la population palestinienne qui l’accompagne nécessairement. À cette population occupée depuis 1967 par l’armée israélienne, il est demandé en fait d’arrêter toute forme de résistance et de protéger ses occupants et les colonies de peuplement qu’il crée. Ici encore des considérations religieuses amènent à mettre de côté les principes universels du droit.
Enfin, en 1979, en Iran, éclate une révolution qui se définit elle-même comme religieuse et se débarrasse à la fois du régime laïc du Chah d’Iran et des deux très influents partis marxisants, le parti communiste Tudeh, et celui des Moujahadeen Khalq. La révolution adopte un anti-impérialisme vigoureux et une politique de redistribution des revenus. Son succès est en partie attribuable au fait que ses dirigeants islamisent habilement le discours et les vocabulaires, ce qui donne une résonance forte au niveau populaire à cette révolution. La tonalité de ce discours qui s’appuie sur le patrimoine de l’Islam d’obédience chiite, entraîne évidemment une crispation identitaire encore plus forte dans l’Islam saoudo-wahhabite dominant, qui a réussi presque partout à investir et dominer les communautés sunnites arabes et non arabes.
On ajoutera ici qu’en Méditerranée de l’Est, porte du Moyen-Orient, la désintégration de la Yougoslavie en 1992 est une catastrophe dont nous n’avons
pas encore mesuré toutes les conséquences, car celle-ci s’effectue sur des bases et des considérations exclusivement religieuses pour séparer des Serbes orthodoxes des Croates et Slovènes catholiques ainsi que des Bosniaques ou des Kosovars musulmans dans une violence peu commune, encouragée sans doute aucun par le silence de certains pays de l’Union européenne, l’activisme militaire et politique d’autres en faveur de ces divorces sanglants !
[...]
Arrêter la communautarisation du monde et la fragmentation des sociétés (P. 107)
Nous sommes aujourd’hui à un tournant où il nous faut sauve garder les valeurs républicaines et les sauver de la communautarisation qui s’empare du monde depuis quelques décades par la façon aveugle dont fonctionne la globalisation économique de pair avec l’affirmation de l’unilatéralisme politique des États-Unis entraînant avec eux l’Union européenne.
Il nous faut aussi sauvegarder les principes de la morale kantienne qui sont établis indépendamment des valeurs religieuses et métaphysiques et notamment de la théologie du salut monothéiste, même lorsque cette dernière est sécularisée.
Il faut encore sauvegarder le modèle de la société plurielle citoyenne de l’envahissement du modèle de la société multiculturelle à l’anglo-saxonne qui n’est le plus souvent qu’une agglomération de ghettos particularistes.
Certes, beaucoup de modèles impériaux dans l’histoire, de même que le modèle anglo-saxon actuel, préfèrent la fragmentation à base communautaire, ethnique ou religieuse de l’aire géographique de domination. Cela facilite le maintien, voir le renforcement de la domination et le contrôle des communautés satellisées, alors que des sociétés unies par un lien citoyen fort et des valeurs républicaines à la française offrent des résistances beaucoup plus fortes à ce type de domination qui utilise aujourd’hui la globalisation économique sauvage pour s’affirmer.
Reconnaissons ici que cette domination anglo-saxonne a aussi des aspects culturels non négligeables. C’est eux qui rongent progressivement les conceptions de la laïcité républicaine, car de nos jours, les notions d’« intégration » et d’ « assimilation » au cœur de la problématique citoyenne ont acquis mauvaise presse, même dans la culture française et celle des pays francophones nourris des principes de la Révolution française. Dans un monde où les flux migratoires sont devenus si importants, peut-on, pourtant, renoncer à l’idéal citoyen en acceptant les conceptions de la société multiculturelle, c’est-à-dire la perpétuation, voir la reconstitution des communautés organiques, l’envahissement de l’espace public par les spécificités ethniques et religieuses, au détriment de l’espace citoyen, celui où se définit le bien commun.
En fait, l’idéal kantien d’une société cosmopolite ne peut advenir et prospérer qu’à partir d’espaces étatiques structurés sur des cultures bien assimilées, sur une bonne intégration de différentes catégories sociales dans cette culture et non sur un patchwork ou assemblage hétéroclite de mœurs et de façon de vivre. La société plurielle, forcément démocratique, est celle qui œuvre pour la liberté de penser la cité politiquement et non point celle qui encourage la liberté de communautariser la vie de la cité.
[...]
Certes, la laïcité ne peut plus être un anticléricalisme militant ou feutré. Ses partisans doivent accepter le débat théologico-politique avec les partisans d’un rôle direct du religieux dans la vie de la cité et ses valeurs, afin de démontrer les impasses auxquelles mène le fait de faire jouer à la religion un rôle de marqueur identitaire majeur et de mêler religion et politique dans la vision du monde. Beaucoup de laïcs croient que leurs valeurs sont des valeurs issues exclusivement du monothéisme à la nouvelle mode « judéo-chrétienne » et qu’elles s’opposent à des va leurs dites « arabo-musulmanes ».
Ils sont tentés par ailleurs et de façon paradoxale de verser dans ce que certains appellent un « intégrisme de la République », tant est grand leur refus d’un dialogue sérieux sur l’évolution politique du monde et leur méconnaissance des changements de sensibilités culturelles en Orient comme en Occident. Ils s’accrochent à des conceptions partielles et souvent périmées de la laïcité jacobine pour justifier une islamophobie devenue rampante, tant les pratiques politico-religieuses inspirées des idéologies d’État de l’Arabie saoudite ou du Pakistan peuvent effectivement avoir des aspects repoussants.
Le problème ici n’est pas tant la religion musulmane elle-même qui, comme toutes les religions à caractère universelle a eu des écoles théologiques innombrables, des exégèses contradictoires du texte de la Révélation coranique, des pratiques diverses et multiples suivant les époques et les milieux géographiques ou les identités ethniques des peuples ayant adopté cette religion. Mais bien plus tôt celui de réduire l’identité complexe que forge l’adhésion à une religion à une seule pratique inspirée de politiques d’État.
Dans le monde exalté et multiple que nous vivons, l’approche laïque des problèmes doit développer sa connaissance des religions et des usage qui en sont fait à des buts de puissance géopolitiques ou, plus prosaïquement, à but de campagnes électorales dans tel ou tel pays.
[...]
La laïcité sur ce plan se doit de sortir du carcan de la spécificité qui a caractérisé son émergence historique, à savoir la rivalité des deux pouvoirs temporels et spirituels et la lutte contre le monopole de la définition du dogme religieux par l’Église romaine.
Elle doit se hausser au niveau supérieur de la philosophie universaliste et humaniste dont elle est issue et s’affirmer à nouveau comme le pilier majeur d’une pratique d’essence démocratique. Elle doit donc rappeler qu’une laïcité bien comprise est d’abord une doctrine de concorde civile à l’intérieur des États, ainsi que dans les relations interétatiques ; elle est aussi une doctrine qui protège l’individu de la dictature du conformisme et des pressions psychologiques que peuvent exercer sur lui les notabilités et dirigeants de sa communauté religieuse ou ethnique ; elle est, par ailleurs une doctrine visant à préserver l’intégrité de la religion et des valeurs spirituelles en les mettant à l’abri des manipulations des hommes politiques dans la compétition pour le pouvoir, de même qu’elle préserve l’intégrité de l’État en le mettant à l’abri de ces manipulations du religieux.
Bien plus, faut-il laisser faire la conception anglo-saxonne de la globalisation qui traite du besoin religieux comme du besoin d’un produit de consommation ? Les sociologues et politologues commencent, en effet, à évoquer un marché des religions à compétition ouverte que justifie la globalisation. Le prosélytisme religieux devient ainsi un phénomène courant. Celui-ci peut susciter des réactions vives, des tensions sociales lorsque des moyens financiers considérables sont à la dispositions des propagandistes de religion ou de nouvelles églises ou de sectes. C’est le cas en particulier des nouveaux évangélistes américains, des musulmans d’obédience saoudo-wahhabites et d’autres groupes prosélytes.
[...]
La philosophie politique laïque doit avoir le courage d’affirmer qu’au Moyen-Orient, aucun conflit n’est susceptible de solution sans un recours aux principes de laïcité.
Elle doit aussi oser prétendre que ses principes sont les seuls qui peuvent constituer un antidote au consumérisme effréné que la globalisation économique entraîne, car seules des valeurs citoyennes fortes peuvent aider à arrêter le réchauffement climatique qu’entraîne la boulimie de consommation gaspilleuse d’énergie, d’eau et d’autres matières premières. La discipline citoyenne que la laïcité implique peut seule, en effet, amener les sociétés à accepter les efforts collectifs que nécessite un changement de modèle économique qu’appellent les nécessités de réduire les émissions de CO2.
Enfin, la laïcité est seule susceptible de rétablir des repères moraux et éthiques universalisables, parce qu’indépendants des croyances spirituelles et des besoins mystiques et de transcendance de la nature humaine.
Dans ce contexte, la laïcité mérite mieux que le regard dédaigneux et superficiel que lui accordent ses détracteurs. Mais elle mérite aussi de ses adeptes une ouverture d’esprit plus large, une culture politique et philosophique plus étendue, et la conscience qu’une laïcité bien comprise est le meilleur antidote aux fondamentalismes de natures diverses et à l’autoritarisme social, politique et culturels, voir parfois le totalitarisme, qu’ils impliquent.
Pour une lecture profane des conflits, Georges Corm, éd. La Découverte / Poche, 2012
Pour consulter d'autres extraits du livre : http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RIS_068_0025
vendredi 15 mai 2015
Conversions
Le mot « conversion » peut être pris dans deux sens totalement différents : son sens originel est celui qui le fait correspondre au terme grec metanoia, qui exprime proprement un changement de nous, ou, comme l’a dit A. K. Coomaraswamy, une « métamorphose intellectuelle ». Cette transformation intérieure, comme l’indique d’autre part l’étymologie même du mot latin (de cum-vertere), implique à la fois un « rassemblement » ou une concentration des puissances de l’être, et une sorte de « retournement » par lequel cet être passe « de la pensée humaine à la compréhension divine ».
La metanoia ou la « conversion » est donc le passage conscient du mental entendu dans son sens ordinaire et individuel, et considéré comme tourné vers les choses sensibles, à ce qui en est la transposition dans un sens supérieur, où il s’identifie à l’hêgemôn de Platon ou à l’antaryâmî de la tradition hindoue. Il est évident que c’est là une phase nécessaire dans tout processus de développement spirituel ; c’est donc, insistons-y, un fait d’ordre purement intérieur, qui n’a absolument rien de commun avec un changement extérieur et contingent quelconque, relevant simplement du domaine « moral », comme on a trop souvent tendance à le croire aujourd’hui (et l’on va même, en ce sens, jusqu’à traduire metanoia par « repentir »), ou même du domaine religieux et plus généralement exotérique (1).
Au contraire, le sens vulgaire du mot « conversion », celui qu’il en est arrivé à avoir constamment dans le langage courant, et qui est aussi celui dans lequel nous allons le prendre maintenant après cette explication indispensable pour éviter toute confusion, ce second sens, disons-nous, désigne uniquement le passage extérieur d’une forme traditionnelle à une autre, quelles que soient les raisons par lesquelles il a pu être déterminé, raisons toutes contingentes le plus souvent, parfois même dépourvues de toute importance réelle, et qui en tout cas n’ont rien à voir avec la pure spiritualité. Bien qu’il puisse sans doute y avoir quelquefois des conversions plus ou moins spontanées, du moins en apparence, elles sont le plus habituellement une conséquence du « prosélytisme » religieux, et il va de soi que toutes les objections qu’on peut formuler contre la valeur de celui-ci s’appliquent également à ses résultats ; en somme, le « convertisseur » et le « converti » font preuve d’une même incompréhension du sens profond de leurs traditions, et leurs attitudes respectives montrent trop manifestement que leur horizon intellectuel est pareillement borné au point de vue de l’exotérisme le plus exclusif (2).
En dehors même de cette raison de principe, nous devons dire que, pour d’autres motifs aussi, nous apprécions assez peu les « convertis » en général, non point qu’on doive a priori mettre en doute leur sincérité (nous ne voulons pas envisager ici le cas, cependant trop fréquent en fait, de ceux qui ne sont mus que par quelque bas intérêt matériel ou sentimental, et qu’on pourrait plutôt appeler des « pseudo-convertis »), mais d’abord parce qu’ils font preuve tout au moins d’une instabilité mentale plutôt fâcheuse, et ensuite parce qu’ils ont presque toujours une tendance à faire montre du « sectarisme » le plus étroit et le plus exagéré, soit par un effet de leur tempérament même, qui pousse certains d’entre eux à passer d’un extrême à un autre avec une déconcertante facilité, soit tout simplement pour détourner les suspicions dont ils craignent d’être l’objet dans leur nouveau milieu. Au fond, on peut dire que les « convertis » sont peu intéressants, du moins pour ceux qui envisagent les choses en dehors de tout parti pris d’exclusivisme exotérique, et qui, par ailleurs, n’ont aucun goût pour l’étude de certaines « curiosités » psychologiques ; et, pour notre part, nous aimons certainement mieux ne pas les voir de trop près.
(1) Sur ce sujet, voir A. K. Coomaraswamy, On Being in one’s Right Mind (Review of Religion, n° de novembre 1942).
(2) Au fond, il n’y a de conversion réellement légitime en principe que celle qui consiste dans l’adhésion à une tradition, quelle qu’elle soit d’ailleurs, de la part de quelqu’un qui était précédemment dépourvu de toute attache traditionnelle.
Cela dit nettement, il nous faut signaler (et c’est là surtout que nous voulions en venir) qu’on parle parfois de « conversions » fort mal à propos, et dans des cas auxquels ce mot, entendu dans le sens que nous venons de dire comme il l’est toujours en fait, ne saurait s’appliquer en aucune façon. Nous voulons parler de ceux qui, pour des raisons d’ordre ésotérique ou initiatique, sont amenés à adopter une forme traditionnelle autre que celle à laquelle ils pouvaient être rattachés par leur origine, soit parce que celle-ci ne leur donnait aucune possibilité de cet ordre, soit seulement parce que l’autre leur fournit, même dans son exotérisme, une base mieux appropriée à leur nature, et par conséquent plus favorable pour leur travail spirituel.
C’est là pour quiconque se place au point de vue ésotérique, un droit absolu contre lequel tous les arguments des exotéristes ne peuvent rien, puisqu’il s’agit d’un cas qui, par définition même, est entièrement en dehors de leur compétence.
Contrairement à ce qui a lieu pour une « conversion », il n’y a là rien qui implique l’attribution d’une supériorité en soi à une forme traditionnelle sur une autre, mais uniquement ce qu’on pourrait appeler une raison de convenance spirituelle, qui est tout autre chose qu’une simple « préférence » individuelle, et au regard de laquelle toutes les considérations extérieures sont parfaitement insignifiantes. Il est d’ailleurs bien entendu que celui qui peut légitimement agir ainsi doit, dès lors qu’il est réellement capable de se placer au point de vue ésotérique comme nous l’avons supposé, avoir conscience, tout au moins en vertu d’une connaissance théorique, sinon encore effectivement réalisée, de l’unité essentielle de toutes les traditions ; et cela seul suffit évidemment pour que, en ce qui le concerne, une « conversion » soit une chose entièrement dépourvue de sens et véritablement inconcevable. Si maintenant on demandait pourquoi il existe de tels cas, nous répondrions que cela est dû surtout aux conditions de l’époque actuelle, dans laquelle, d’une part, certaines traditions sont, en fait, devenues incomplètes « par en haut », c’est-à-dire quant à leur côté ésotérique, que leurs représentants « officiels » en arrivent même parfois à nier plus ou moins formellement, et, d’autre part, il advient trop souvent qu’un être naît dans un milieu qui n’est pas celui qui lui convient réellement et qui peut permettre à ses possibilités de se développer d’une façon normale, surtout dans l’ordre intellectuel et spirituel ; il est assurément regrettable à plus d’un égard qu’il en soit ainsi, mais ce sont là des inconvénients inévitables dans la présente phase du Kali-Yuga.
Outre ce cas de ceux qui « s’établissent » dans une forme traditionnelle parce qu’elle est celle qui met à leur disposition les moyens les plus adéquats pour le travail intérieur qu’ils ont encore à effectuer, il en est un autre dont nous devons dire aussi quelques mots : c’est celui d’hommes qui, parvenus à un haut degré de développement spirituel, peuvent adopter extérieurement telle ou telle forme traditionnelle suivant les circonstances et pour des raisons dont ils sont seuls juges, d’autant plus que ces raisons sont généralement de celles qui échappent forcément à la compréhension des hommes ordinaires. Ceux-là sont, par l’état spirituel qu’ils ont atteint, au delà de toutes les formes, de sorte qu’il ne s’agit là pour eux que d’apparences extérieures, qui ne sauraient aucunement affecter ou modifier leur réalité intime ; ils ont, non pas seulement compris comme ceux dont nous parlions tout à l’heure, mais pleinement réalisé, dans son principe même, l’unité fondamentale de toutes les traditions. Il serait donc encore plus absurde de parler ici de « conversions », et pourtant cela n’empêche pas que nous avons vu certains écrire sérieusement que Shrî Râmakrishna, par exemple, s’était « converti » à l’Islam dans telle période de sa vie et au Christianisme dans telle autre ; rien ne saurait être plus ridicule que de semblables assertions, qui donnent une assez triste idée de la mentalité de leurs auteurs. En fait, pour Shrî Râmakrishna, il s’agissait seulement de « vérifier » en quelque sorte, par une expérience directe, la validité des « voies » différentes représentées par ces traditions auxquelles il s’assimila temporairement ; qu’y a-t-il là qui puisse ressembler de près ou de loin à une « conversion » quelconque ?
D’une façon tout à fait générale, nous pouvons dire que quiconque a conscience de l’unité des traditions, que ce soit par une compréhension simplement théorique ou à plus forte raison par une réalisation effective, est nécessairement, par là même, « inconvertissable » à quoi que ce soit ; il est d’ailleurs le seul qui le soit véritablement, les autres pouvant toujours, à cet égard, être plus ou moins à la merci des circonstances contingentes. On ne saurait dénoncer trop énergiquement l’équivoque qui amène certains à parler de « conversions » là où il n’y en a pas trace, car il importe de couper court aux trop nombreuses inepties de ce genre qui sont répandues dans le monde profane, et sous lesquelles, bien souvent, il n’est pas difficile de deviner des intentions nettement hostiles à tout ce qui relève de l’ésotérisme.
[ René Guénon, À propos de « conversions », Études traditionnelles, septembre 1948, article repris dans le recueil posthume Initiation et Réalisation spirituelle, Chap. XII ]
Source : Esprit Universel.over-blog.com
La metanoia ou la « conversion » est donc le passage conscient du mental entendu dans son sens ordinaire et individuel, et considéré comme tourné vers les choses sensibles, à ce qui en est la transposition dans un sens supérieur, où il s’identifie à l’hêgemôn de Platon ou à l’antaryâmî de la tradition hindoue. Il est évident que c’est là une phase nécessaire dans tout processus de développement spirituel ; c’est donc, insistons-y, un fait d’ordre purement intérieur, qui n’a absolument rien de commun avec un changement extérieur et contingent quelconque, relevant simplement du domaine « moral », comme on a trop souvent tendance à le croire aujourd’hui (et l’on va même, en ce sens, jusqu’à traduire metanoia par « repentir »), ou même du domaine religieux et plus généralement exotérique (1).
Au contraire, le sens vulgaire du mot « conversion », celui qu’il en est arrivé à avoir constamment dans le langage courant, et qui est aussi celui dans lequel nous allons le prendre maintenant après cette explication indispensable pour éviter toute confusion, ce second sens, disons-nous, désigne uniquement le passage extérieur d’une forme traditionnelle à une autre, quelles que soient les raisons par lesquelles il a pu être déterminé, raisons toutes contingentes le plus souvent, parfois même dépourvues de toute importance réelle, et qui en tout cas n’ont rien à voir avec la pure spiritualité. Bien qu’il puisse sans doute y avoir quelquefois des conversions plus ou moins spontanées, du moins en apparence, elles sont le plus habituellement une conséquence du « prosélytisme » religieux, et il va de soi que toutes les objections qu’on peut formuler contre la valeur de celui-ci s’appliquent également à ses résultats ; en somme, le « convertisseur » et le « converti » font preuve d’une même incompréhension du sens profond de leurs traditions, et leurs attitudes respectives montrent trop manifestement que leur horizon intellectuel est pareillement borné au point de vue de l’exotérisme le plus exclusif (2).
En dehors même de cette raison de principe, nous devons dire que, pour d’autres motifs aussi, nous apprécions assez peu les « convertis » en général, non point qu’on doive a priori mettre en doute leur sincérité (nous ne voulons pas envisager ici le cas, cependant trop fréquent en fait, de ceux qui ne sont mus que par quelque bas intérêt matériel ou sentimental, et qu’on pourrait plutôt appeler des « pseudo-convertis »), mais d’abord parce qu’ils font preuve tout au moins d’une instabilité mentale plutôt fâcheuse, et ensuite parce qu’ils ont presque toujours une tendance à faire montre du « sectarisme » le plus étroit et le plus exagéré, soit par un effet de leur tempérament même, qui pousse certains d’entre eux à passer d’un extrême à un autre avec une déconcertante facilité, soit tout simplement pour détourner les suspicions dont ils craignent d’être l’objet dans leur nouveau milieu. Au fond, on peut dire que les « convertis » sont peu intéressants, du moins pour ceux qui envisagent les choses en dehors de tout parti pris d’exclusivisme exotérique, et qui, par ailleurs, n’ont aucun goût pour l’étude de certaines « curiosités » psychologiques ; et, pour notre part, nous aimons certainement mieux ne pas les voir de trop près.
(1) Sur ce sujet, voir A. K. Coomaraswamy, On Being in one’s Right Mind (Review of Religion, n° de novembre 1942).
(2) Au fond, il n’y a de conversion réellement légitime en principe que celle qui consiste dans l’adhésion à une tradition, quelle qu’elle soit d’ailleurs, de la part de quelqu’un qui était précédemment dépourvu de toute attache traditionnelle.
Cela dit nettement, il nous faut signaler (et c’est là surtout que nous voulions en venir) qu’on parle parfois de « conversions » fort mal à propos, et dans des cas auxquels ce mot, entendu dans le sens que nous venons de dire comme il l’est toujours en fait, ne saurait s’appliquer en aucune façon. Nous voulons parler de ceux qui, pour des raisons d’ordre ésotérique ou initiatique, sont amenés à adopter une forme traditionnelle autre que celle à laquelle ils pouvaient être rattachés par leur origine, soit parce que celle-ci ne leur donnait aucune possibilité de cet ordre, soit seulement parce que l’autre leur fournit, même dans son exotérisme, une base mieux appropriée à leur nature, et par conséquent plus favorable pour leur travail spirituel.
C’est là pour quiconque se place au point de vue ésotérique, un droit absolu contre lequel tous les arguments des exotéristes ne peuvent rien, puisqu’il s’agit d’un cas qui, par définition même, est entièrement en dehors de leur compétence.
Contrairement à ce qui a lieu pour une « conversion », il n’y a là rien qui implique l’attribution d’une supériorité en soi à une forme traditionnelle sur une autre, mais uniquement ce qu’on pourrait appeler une raison de convenance spirituelle, qui est tout autre chose qu’une simple « préférence » individuelle, et au regard de laquelle toutes les considérations extérieures sont parfaitement insignifiantes. Il est d’ailleurs bien entendu que celui qui peut légitimement agir ainsi doit, dès lors qu’il est réellement capable de se placer au point de vue ésotérique comme nous l’avons supposé, avoir conscience, tout au moins en vertu d’une connaissance théorique, sinon encore effectivement réalisée, de l’unité essentielle de toutes les traditions ; et cela seul suffit évidemment pour que, en ce qui le concerne, une « conversion » soit une chose entièrement dépourvue de sens et véritablement inconcevable. Si maintenant on demandait pourquoi il existe de tels cas, nous répondrions que cela est dû surtout aux conditions de l’époque actuelle, dans laquelle, d’une part, certaines traditions sont, en fait, devenues incomplètes « par en haut », c’est-à-dire quant à leur côté ésotérique, que leurs représentants « officiels » en arrivent même parfois à nier plus ou moins formellement, et, d’autre part, il advient trop souvent qu’un être naît dans un milieu qui n’est pas celui qui lui convient réellement et qui peut permettre à ses possibilités de se développer d’une façon normale, surtout dans l’ordre intellectuel et spirituel ; il est assurément regrettable à plus d’un égard qu’il en soit ainsi, mais ce sont là des inconvénients inévitables dans la présente phase du Kali-Yuga.
Outre ce cas de ceux qui « s’établissent » dans une forme traditionnelle parce qu’elle est celle qui met à leur disposition les moyens les plus adéquats pour le travail intérieur qu’ils ont encore à effectuer, il en est un autre dont nous devons dire aussi quelques mots : c’est celui d’hommes qui, parvenus à un haut degré de développement spirituel, peuvent adopter extérieurement telle ou telle forme traditionnelle suivant les circonstances et pour des raisons dont ils sont seuls juges, d’autant plus que ces raisons sont généralement de celles qui échappent forcément à la compréhension des hommes ordinaires. Ceux-là sont, par l’état spirituel qu’ils ont atteint, au delà de toutes les formes, de sorte qu’il ne s’agit là pour eux que d’apparences extérieures, qui ne sauraient aucunement affecter ou modifier leur réalité intime ; ils ont, non pas seulement compris comme ceux dont nous parlions tout à l’heure, mais pleinement réalisé, dans son principe même, l’unité fondamentale de toutes les traditions. Il serait donc encore plus absurde de parler ici de « conversions », et pourtant cela n’empêche pas que nous avons vu certains écrire sérieusement que Shrî Râmakrishna, par exemple, s’était « converti » à l’Islam dans telle période de sa vie et au Christianisme dans telle autre ; rien ne saurait être plus ridicule que de semblables assertions, qui donnent une assez triste idée de la mentalité de leurs auteurs. En fait, pour Shrî Râmakrishna, il s’agissait seulement de « vérifier » en quelque sorte, par une expérience directe, la validité des « voies » différentes représentées par ces traditions auxquelles il s’assimila temporairement ; qu’y a-t-il là qui puisse ressembler de près ou de loin à une « conversion » quelconque ?
D’une façon tout à fait générale, nous pouvons dire que quiconque a conscience de l’unité des traditions, que ce soit par une compréhension simplement théorique ou à plus forte raison par une réalisation effective, est nécessairement, par là même, « inconvertissable » à quoi que ce soit ; il est d’ailleurs le seul qui le soit véritablement, les autres pouvant toujours, à cet égard, être plus ou moins à la merci des circonstances contingentes. On ne saurait dénoncer trop énergiquement l’équivoque qui amène certains à parler de « conversions » là où il n’y en a pas trace, car il importe de couper court aux trop nombreuses inepties de ce genre qui sont répandues dans le monde profane, et sous lesquelles, bien souvent, il n’est pas difficile de deviner des intentions nettement hostiles à tout ce qui relève de l’ésotérisme.
[ René Guénon, À propos de « conversions », Études traditionnelles, septembre 1948, article repris dans le recueil posthume Initiation et Réalisation spirituelle, Chap. XII ]
Source : Esprit Universel.over-blog.com
mercredi 4 février 2015
Réné Guénon et la politique
René Guénon affirmait en 1936 :
« Entre toutes les choses plus ou moins
incohérentes qui s’agitent et se heurtent présentement, entre tous les «
mouvements » extérieurs de quelque genre que ce soit, il n’y a donc
nullement, au point de vue traditionnel ou même simplement «
traditionaliste », à « prendre parti », suivant l’expression employée
communément, car ce serait être dupe, et, les mêmes influences
s’exerçant en réalité derrière tout cela, ce serait proprement faire
leur jeu que de se mêler aux luttes voulues et dirigées invisiblement
par elles ; le seul fait de « prendre parti » dans ces conditions
constituerait donc déjà en définitive, si inconsciemment que ce fût, une
attitude véritablement antitraditionnelle. »
[Études Traditionnelles, octobre 1936. Tradition et traditionalisme]
Source : Esprit-universel.over-blog.com
samedi 24 janvier 2015
Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse
Le temps des réactions à chaud commence à se dissiper, je rends aujourd'hui un hommage aux victimes de l'attentat contre Charlie Hebdo, journal que je n'ai jamais lu.
Par le biais de ce dessin satirique, j'exerce à mon tour ma "liberté d'expression" tant acclamée aujourd'hui, mais n'oublie pas non plus la dégoûtante récupération politique qui a suivi ces événements tragiques aux ramifications sataniques.
J'essuie personne. Chacun de nous rendra compte de ses actes en temps voulu.
Ne comptez pas sur moi pour attiser les flammes le Choc des civilisations théorisé par Samuel Hutington.
Illustration de l'article de la journaliste américaine Diana Johnstone, "La France sous influence".
Page Wikipédia des "Quatre Cavaliers de l'Apocalypse".
vendredi 23 janvier 2015
TAFTA
« Quelque chose doit remplacer les gouvernements,
et le pouvoir privé
me semble l’entité adéquate pour le faire. »
Ces mots confiés par David
Rockefeller au magazine américain Newsweek, le 1er février 1999,
fournissent la clé pour comprendre ce qui se passe depuis une trentaine
d’années et qu’on appelle « mondialisation néolibérale ».
Déléguer au
secteur privé la maîtrise des choix ou, pour l’exprimer à la manière
pudique de journaux comme Le Monde ou Les Echos, « redéfinir le périmètre de l’État », c’est l’objectif du patronat et des milieux financiers.
Cet objectif, est en passe d’être atteint avec le projet intitulé «
Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement ».
Derrière les termes anodins pour désigner un accord classique de
libre-échange se cache un projet d’une ampleur radicalement différente.
En effet, le 14 juin 2013, les gouvernements de l’Union européenne, ont demandé à la Commission européenne de négocier avec les États-Unis la création d’un grand marché transatlantique. Confier aux firmes privées la possibilité de décider des normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, culturelles et techniques, c’est désormais l’objectif des firmes transnationales et des gouvernements d’Europe et des USA dont ils sont l’instrument politique.
Raoul Marc Jennar
Ce dessin a pour objectif de sensibiliser l’ensemble de la population du danger que représente le Grand Marché Transatlantique (aussi appelé TAFTA ou TTIP), négocié loin du regard des citoyens et des médias.
Quelques bonnes raisons de stopper TAFTA (Transatlantic Free Trade Area) :
En effet, le 14 juin 2013, les gouvernements de l’Union européenne, ont demandé à la Commission européenne de négocier avec les États-Unis la création d’un grand marché transatlantique. Confier aux firmes privées la possibilité de décider des normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales, culturelles et techniques, c’est désormais l’objectif des firmes transnationales et des gouvernements d’Europe et des USA dont ils sont l’instrument politique.
Raoul Marc Jennar
Ce dessin a pour objectif de sensibiliser l’ensemble de la population du danger que représente le Grand Marché Transatlantique (aussi appelé TAFTA ou TTIP), négocié loin du regard des citoyens et des médias.
Quelques bonnes raisons de stopper TAFTA (Transatlantic Free Trade Area) :
- Sécurité alimentaire : Nos normes plus strictes que les normes américaines et que les « normes internationales » (niveaux de pesticides, contamination bactérienne, additifs toxiques, OGM, hormones, etc.), pourraient être condamnées comme « barrières commerciales illégales ».
- Gaz de schiste : Les gouvernements européens ne réglementeraient plus les exportations de gaz naturel vers les nations TAFTA. La fracturation hydraulique pourrait devenir un droit pour les sociétés qui pourraient exiger des dommages et intérêts auprès des nations qui s’y opposent.
- Emploi : Les entreprises souhaitant délocaliser dans les états concernés par le projet TAFTA où les salaires sont inférieurs, seraient protégées. L’Inspection et le code du travail devenant illégaux, plus de préavis de licenciement. Pôle emploi devrait être privatisé ou serait attaqué en justice par les sociétés d’intérim pour concurrence déloyale. Les conséquences du TAFTA sur le taux de chômage en Europe ne seraient que néfastes.
- Santé et retraites : Les médicaments pourraient être brevetés plus longtemps, les groupes pharmas pourraient bloquer la distribution des génériques. Les services d’urgence pourraient être privatisés. Les Assurances privées pourraient attaquer en justice les CPAM pour concurrence déloyale. Les retraites par répartition pourraient être démantelées, les compagnies d’assurances se substitueraient aux CRAM,ARRCO, AGIRC…
- Eau et énergie : Ces biens seraient privatisables. Toute municipalité s’y opposant pourrait être accusée d’entrave à la liberté de commerce, idem pour l’énergie, qu’elle soit fossile, nucléaire ou renouvelable. La sécurité nucléaire serait réduite. Le prix du gaz et du kW seraient libres.
- Liberté et vie privée : Grâce à la révolte publique, les sociétés espérant enfermer et monopoliser l’Internet ont échoué l’année dernière à faire adopter leur ACTA répressif ; des textes plus pernicieux sont dans le TAFTA.
- Services publics : Le TAFTA limiterait le pouvoir des États à réglementer les services publics tels que : services à la personne, transports routiers, ferroviaires, etc. et réduiraient les principes d’accès universel et large à ces besoins essentiels.
- Culture et production artistique : Les gros producteurs d’audiovisuel pourraient interdire les productions privées ou professionnelles à faible budget comme youtube, vimeo, dailymotion, les financements collaboratifs seraient rendus illégaux. Les musées nationaux perdraient leur droit de préemption sur les trésors artistiques nationaux au profit de collectionneurs privés.
- Enseignement : Les universités privées pourraient attaquer en justice l’Éducation nationale pour concurrence déloyale. De la maternelle au doctorat, les sociétés privées contesteraient aux écoles, cantines scolaires et resto U, toutes subventions municipales, régionales ou nationales.
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